L'itinérance des services

Contenu : L'ITINÉRANCE DES SERVICES REPÉRÉE COMME UNE INNOVATION
En janvier 2014, Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des Départements de France, a confié à Rémi Chaintron, président du Conseil général de Saône-et-Loire, une mission sur « L’innovation dans les politiques départementales ». Dans son rapport l'élu met notamment en avant l'itinérance des services comme faisant partie des grandes familles de l'innovation.
« L’itinérance peut être une réponse comme le prouvent les expériences menées par les Départements de l’Oise, de l’Essonne, des Alpes-Maritimes, de la Nièvre ou de l’Hérault. Les services du Département, les ludothèques ou halte-garderies mobiles, les bibliobus, les banques ambulantes, le camion médical itinérant ne sont que quelques exemples de l’étendue du champ d’application de ce type de solutions. »

Source : Note "Itinérance des services", ADRETS, 2016

UNE MISSION PARLEMENTAIRE EN COURS DE FINALISATION
Le 13 mars, à l’occasion de son allocution au comité interministériel à la ruralité, Manuel Valls a annoncé qu’il confiait une mission parlementaire à Nicolas Bays, député du Pas-de-Calais, visant à la mise en place de services publics itinérants. « Il y a quelques mois, j’ai interpellé le Premier ministre et le Président de la République sur la nécessité de fournir à tous nos concitoyens des services publics accessibles et ce même dans les communes les plus enclavées. C’est donc avec beaucoup de fierté que j’ai appris qu’une mission de réflexion sur
la mise en place de tels services m’était confiée, explique l’élu de l’agglomération de Lens-Liévin. L’opportunité nous est aujourd’hui donnée de repenser le service public, de le réinventer en proposant une nouvelle forme de proximité au service de la qualité de vie des habitants et du développement durable des territoires. Le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Travailler à le restituer aux citoyens qui en sont injustement privés, c’est traduire la volonté du gouvernement d’incarner une gauche de l’action, une gauche tournée vers l’avenir qui n’a pas peur de réinventer la notion de service public pour le bien de nos concitoyens », explique
Nicolas Bays.
En complément du déploiement des maisons de services au public, le Gouvernement a effectivement souhaité engager une réflexion sur une nouvelle forme d’offre de service qui proposerait de manière périodique aux habitants qui en sont éloignés un panel de services publics essentiels.

UN CONSTAT PARTAGÉ : L'INÉGALITÉ TERRITORIALE D'ACCÈS AUX SERVICES
L'éloignement géographique et la faiblesse démographique, souvent corollaire de faiblesse financière des collectivités rurales concernées, sont des facteurs connus d'inégalité dans l'accès aux services pour les territoires les plus enclavés. Cette inégalité est subie par les habitants qui doivent se déplacer (coût financier et écologique) et, quand il ne le peuvent pas, se trouvent exclus (coût social). De plus, cette situation nuit à l'attractivité des territoires concernés souvent déjà en difficulté. La plupart des grands services publics réduisent leur présence territoriale pour des raisons de rationalisation gestionnaire. Les services plus spécialisés ou plus locaux, marchands ou non marchands, n'ont pas les moyens économiques et humains d'assurer une couverture territoriale complète. En effet, la création de services dans ces territoires se heurte à la viabilité économique du service de proximité du fait de la faible densité démographique et des ressources financières réduites des collectivités locales.

PREMIÈRE TYPOLOGIE DES SERVICES AU PUBLIC ITINÉRANTS
Face à ces difficultés maintenant bien connues, de nombreuses expériences d'itinérance se développent pour couvrir les besoins des territoires peu denses et enclavés. Elles concernent aujourd'hui de très nombreux secteurs d'activité. Tous les services itinérants ne se ressemblent pas et une approche plus fine s'impose pour en voir les limites, les avantages et les conditions de viabilité. Une première typologie peut ainsi être faite.

SERVICES MOBILES
Historiquement, les services itinérants en milieu rural sont marqués par l'image de la camionnette qui apporte ses produits (pain, viande, épicerie,..) sur la place du village en klaxonnant. Ces services ont, comme tous les petits commerces, subit la concurrence des grandes surfaces.Certains se maintiennent pour desservir les publics non mobiles et dépendants, et certains innovent pour faire face à la situation concurrentielle nouvelle : commande en ligne, livraison à domicile, muli-services, ... Dans le domaine culturel, les biblio-bus maillent le territoire depuis de nombreuses années pour desservir les bibliothèques rurales. Quant aux cinémas itinérants historiques, après un déclin, connaissent un certain renouveau en milieu rural. À ces expériences historiques autour d'un véhicule de type mini-bus qui transporte du matériel ou des produits pour les services marchands ou culturels, de nouveaux services itinérants s'expérimentent.

SERVICES ITINÉRANTS
Au-delà du véhicule emblématique, d'autres services ont également besoin de lieux d'accueil pour accueillir leur activité : ainsi les services petite enfance, de médiation numérique, les ludothèques, les structures d'animation (jeunes, parents-enfants) ont pour spécificité d'acheminer du matériel qu'ils installent dans des locaux non outillés. Ces services permettent ainsi de mutualiser du matériel et des compétences entre plusieurs lieux. Par ailleurs les lieux d'accueil sont également souvent mutualisés pour accueillir plusieurs activités et rentabiliser la
mise aux normes.

COMPÉTENCES ITINÉRANTES DANS DES LIEUX NON DÉDIÉS
Un troisième niveau de services itinérants peut être identifié, sans transport de gros matériel (pas besoin d'un mini-bus équipé) mais par le déplacement des personnes compétentes avec de la documentation (brochures, formulaires) : il peut s'agir de services sociaux, de services pour l'emploi, de prestations sociales, de Maisons de services au public. Ces services peuvent se faire à domicile (travailleurs sociaux, etc.) ou être accueillis dans un local de proximité telles qu'une mairie, une association, une banque, une salle municipale, ...
Ces services souples souffrent cependant parfois d'un manque de visibilité, étant accueillis dans différents lieux à des périodicités variables. Ces 30 dernières années, beaucoup de grands services publics développaient ainsi des « permanences » dans les territoires ruraux, dans des locaux souvent non adaptés et d'une manière dispersée (ex : locaux du Crédit Agricole pour la MSA, locaux municipaux pour Pôle Emploi, locaux de centres sociaux pour les services sociaux, ou encore la salle polyvalente municipale ou les locaux d'une association locale pour la CARSAT, ...)
Pour plus de lisibilité, certaines de ces permanences ont pu se faire dans des bus aménagés à l'enseigne de l'institution. Ces bus aménagés présentent l'avantage de l'autonomie et de la visibilité physique, mais la valeur ajoutée pour des prestations « relationnelles » reste à prouver (manque de relais local, de confort, de confidentialité, ) pour un coût important (achat et fonctionnement). Beaucoup de ces expériences s'arrêtent avec le départ de l'animateur ou à l'occasion du questions matérielles (panne ou remplacement à prévoir du bus) Ces permanences éclatées et ponctuelles ont tendance à être réduites ou supprimées sous le triple effet de la réduction des moyens, de leur relative faible productivité (notamment quand elles sont sans rendez-vous), souvent sous utilisées ou parfois aussi saturées, et enfin du développement du numérique et des e-services. La dématérialisation de la plupart des grands services publics doit se développer très rapidement et ne peut s'accommoder de lieux non équipés.

COMPÉTENCES ITINÉRANTES DANS DES LIEUX DÉDIÉS
Le développement des services numériques pour les professionnels comme pour les usagers nécessite de bénéficier de lieux d'accueil mutualisés équipés en connexion haut débit, voir en matériel mis à disposition du public. Ces lieux peuvent accueillir des professionnels itinérants mais aussi des visio guichets (cf. l'expérience du dispositif Visio-RDV des Hautes-Alpes). Le mutualisation de locaux d'accueil équipés pour les services itinérants permet de rendre une offre de services plus lisible pour le public et une mutualisation des coût plus économiques pour chacun des partenaires. C'est notamment l'un des objectifs du label « Maison de services au
public ».