Innovation : l'hybridation des citoyens et des professionnels

Contenu : Nous avons vu que l'évolution sociale a conduit à une institutionnalisation et une professionnalisation croissante de nombreux services autrefois rendus par la famille, la communauté villageoise, les œuvres caritatives ou des bénévoles. Cette évolution a progressivement fait passer de nombreuses activités du domaine privé au domaine
public, prises en charge par l'État ou par le marché. La croissance continue de cette institutionnalisation conduit à des impasses au niveau économique d'une part mais également au niveau social. Beaucoup de citoyens ne souhaitent pas être considérés uniquement comme des usagers assistés ou comme des consommateurs de services.

Nous voyons se développer une multitude d'initiatives collectives, prises en charge par des citoyens actifs qui s'organisent pour répondre à leurs besoins. Des exemples sont nombreux dans le domaine du transport, de la culture, la formation, la petite enfance, de l'habitat etc. Ces initiatives où le citoyen est au cœur du service ont la particularité de faire appel à des professionnels, non pour rendre les services eux-mêmes mais pour aider à l'organisation et à la formation des citoyens.

Ces nombreux exemples montrent une nouvelle hybridation entre les initiatives citoyennes et les professionnels. Il n'y a pas à choisir entre un service institué délégué à des professionnels ou un service bénévole ou d'entraide familiale. Il y a une hybridation qui s'invente entre les citoyens acteurs et les professionnels d'appui. Ainsi le professionnel n'est plus l'intervenant direct qui met en œuvre le service mais devient un formateur, un accompagnateur, un organisateur, un prestataire technique dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, un prescripteur...

Cette hybridation nécessite une redéfinition du rôle et des responsabilités respectives des professionnels et des citoyens. Des questions de qualification et des questions juridiques se posent.
• Quelle est la responsabilité juridique du service de mise en relation de covoiturage ou d'un site
d'échange de services par Internet entre particuliers ? Comment accompagner un professionnel de santé, habitué à traiter lui-même le malade, à soigner, à passer à un rôle d'accompagnateur, de conseil dans le domaine de la prévention et de la prise en charge du malade par lui-même ou par son entourage (comme on le voit déjà dans la prise en charge du malade Alzheimer ou de l'auto traitement des diabétiques) ?
• Quelles compétences doit avoir le professionnel d'un espace d'échange réciproques des savoirs pour analyser les besoins et les mettre en relation avec les compétences des participants aux ateliers ? Ce rôle de pédagogue, de mise à disposition de ressources éducatives interroge l'évolution des compétences du formateur.
• Enfin ces pratiques citoyennes coexistent avec les pratiques informelles et les pratiques instituées et professionnelles. Comment faire en sorte que l'articulation entre ces réponses sociales se fassent sur un mode de complémentarité et non de concurrence ? Comment faire en sorte que les pratiques d'auto organisation soient accessibles à l'ensemble des citoyens et non pas réservées à des privilégiés d'une part ou à des laissés-pour-compte d'autre part ?

La réponse à ces questions passe d'abord par la reconnaissance de ces nouvelles pratiques par les institutions, afin de les intégrer dans les politiques publiques de formation professionnelle et dans les réglementations administratives.

Source : "Quel avenir des services en milieu rural ? Cahier des innovations", ADRETS, 2013