Innovation : hybridation du producteur et de l'usager

Contenu : L'évolution de la société de consommation d'une part et de l'État-providence d'autre part ont accompagné l'évolution sociale de l'individualisme croissant. Le citoyen est devenu un consommateur averti et exigeant en même temps qu'un usager assisté et dépendant. Cette double image du consommateur et de l'usager impacte fortement l'organisation des services à la population. Ce modèle a atteint certaines limites du fait des réalités économiques qui ne permettent ni au marché ni à l'État de poursuivre la croissance continue des services
marchands ou non marchands administrés.

À cette limite économique s'ajoute une limite sociale : le modèle individualiste crée des solitudes, des stigmatisations alors que la population est en recherche de nouveaux liens sociaux et que la société a un besoin urgent de renouvellement de la cohésion sociale.
Ce modèle a permis de réelles avancées sociales et économiques au cours du siècle dernier, mais a abouti à des effets pervers en opposant le consommateur et le producteur, l'un voulant les prix les plus bas et une qualité toujours meilleure, l'autre voulant un salaire plus élevé et des conditions de travail plus acceptables. L'opposition touche également le contribuable et l'usager, l'un voulant limiter les impôts et les prélèvements obligatoires et l'autre désirant un service public gratuit près de chez lui. Chaque individu étant la plupart du temps à la fois
producteur et consommateur, contribuable et usager, ce modèle schizophrénique aboutit un blocage du système par les contradictions économiques et politiques qu'il induit.

C'est pourquoi de nombreuses pratiques se développent en réaction au modèle du siècle dernier fait d'opposition entre producteurs et consommateurs, entre citoyens et usagers.
• De nombreuses initiatives réunissent des citoyens qui sont à la fois producteurs et bénéficiaires des services : co-voitureur chauffeur ou passager, vendeur sur Internet et acheteur, acteur et spectateur, enseignant et enseigné, colocataire hébergé et hébergeur, utilisateur et intervenant dans la garde d'enfant, animateur et animé par le club troisième âge...
• Une deuxième caractéristique de ces initiatives est qu'elles sont la plupart du temps collectives, et rompent avec l'individualisme de la consommation et d'assistanat d'une part et avec la prise en charge collective uniforme d'autre part. Le collectif est au service de l'individu qui garde sa liberté de choisir son niveau d'implication. L'individu est aussi au service du collectif.

Beaucoup de ces pratiques se regroupent sous le terme d'économie collaborative pour laquelle l'ADRETS a réalisé une rencontre dont les actes sont disponibles sur Internet et qui permet une mise relation avec les principaux travaux et site Internet consacré à ce sujet.
→ Voir les actes de la rencontre « Pratiques collaboratives et Territoires, Quelles innovations pour les services au public en milieu alpin ? » ADRETS 2013
Le collectif est dans la plupart de ces cas un moyen de satisfaire un besoin mais également un moyen de créer du lien social. Ce n'est pas forcément le cas des sites de vente en ligne sur Internet, mais de beaucoup d'expérience comme celles des SEL (systèmes d'échanges locaux), les réseaux d'échanges réciproques de savoirs, des sites de couchsurfing...
Cette hybridation entre l'individuel et collectif et entre le producteur et le consommateur de services pose question, notamment dans le domaine juridique de la responsabilité et de la concurrence avec les règles du marché.

Source : "Quel avenir des services en milieu rural ? Cahier des innovations", ADRETS, 2013