Gouvernance locale et accès aux services

Contenu : L'analyse des expériences des territoires montre qu'un certain nombre de conditions de réussite sont à la base d'une politique efficace d'accès aux services sur les territoires.

VOLONTÉ POLITIQUE
Il n'y a pas de politique de service sans volonté. Cette volonté peut être incarnée par un élu charismatique ou par une équipe résolue. Ce sont les élus qui décident de la politique territoriale et sans cette volonté locale, aucune politique d'innovation en matière de service ne peut être menée. Ces politiques sont à relier bien entendu aux politiques globales d'accueil des nouvelles populations, de développement économique, de développement local durable menées par ces territoires de projets à l'échelle intercommunale (communauté de communes, Pays, parc).
Cette volonté politique peut être initiée et accompagnée par la formation des élus et de l'information via les associations d'élus, les réseaux et la presse qui font connaître les initiatives positives de certains territoires. Ces échanges et apports peuvent ainsi inspirer et outiller les élus locaux réceptifs.

INGÉNIERIE
La volonté politique ne suffit pas si elle ne peut s'appuyer sur une compétence d'ingénierie territoriale pour mettre en œuvre les projets. Il existe bien entendu une ingénierie de gestion pour monter les dossiers de financement et gérer administrativement les projets. Cette ingénierie n'est pas suffisante pour intervenir dans le domaine des services qui reste un domaine extrêmement complexe. La capacité d'ingénierie doit pouvoir intégrer une compétence de négociation avec les partenaires des services au public d'une part, et introduire une capacité d'animation des démarches citoyennes et participatives d'autre part.
Les compétences d'ingénierie du développement territorial sont extrêmement développées mais
certainement encore insuffisamment dans le domaine des services à la population qui est relativement nouveau.
Le recours à des prestataires externes peut palier un manque de compétences internes momentanément ou pour lancer une démarche, mais devra de toute manière pouvoir être relayer à minima, et traiter en interne par les organisations territoriales à terme.

PARTICIPATION CITOYENNE
Si on veut éviter des projets technocratiques venant d'en haut et ne pas développer des projets qui ne correspondent pas aux attentes prioritaires de la population, il est essentiel de mettre en œuvre des démarches participatives en associant les habitants, les citoyens et les usagers à l'analyse des besoins et à la mise en œuvre des réponses.
De nombreux modes de participation existent à travers les Conseils de développement, les commissions extra-municipales et au travers des associations.
Attention ! Les associations ont souvent un double rôle dans le domaine des services à la population : elles peuvent d'une part représenter bien entendu leurs adhérents, les habitants, les citoyens ou les usagers ; et elles sont aussi les porteuses d'une offre de services dans laquelle elles peuvent être en concurrence avec d'autres prestataires. Elles peuvent apporter une capacité d'innovation et de mobilisation mais cela ne doit pas être confondu systématiquement avec l'expression de l'ensemble de la population.

SYNERGIES ENTRE VOLONTÉ POLITIQUE , MOBILISATION CITOYENNE ET INGÉNIERIE TERRITORIALE
Les 3 piliers du développement territorial que sont la volonté politique, l'ingénierie et la participation citoyenne ne sont bien entendu pas également développés au même moment sur un territoire. Il y a une synergie à organiser entre l'ensemble de ces éléments constitutifs de la dynamique territoriale. Parfois ce sont les élus qui mobilisent la population grâce à une ingénierie adaptée, parfois ce sont les citoyens qui mobilisent leurs élus grâce aux travaux et à la mobilisation qu’ils mettent en œuvre, parfois ce sont les techniciens qui arrivent à mobiliser la population et les élus.
L’objectif à terme étant que chacun apprenne à travailler avec les autres pour un projet partagé sur le territoire.
Ce triptyque territorial nécessite 2 apports extérieurs indispensables à la réussite d'un projet de services : des financements et des partenariats.

FINANCEMENT
Le financement est le nerf de la guerre. Le territoire en a besoin pour réaliser ces projets
d'investissements et financer le fonctionnement des services mis en œuvre.
Le partenariat avec les Conseils régionaux et les Conseils généraux dans la mise en œuvre de ces projets est indispensable.
La mobilisation des financements d’État et des financements européens permet de stabiliser les projets sur le territoire.
Attention, il est plus facile de se faire financer de l'investissement que du fonctionnement : de nombreux territoires réalisent ainsi des équipements dont la charge de fonctionnement leur revient par la suite et pose des questions de pérennisation. Des financements expérimentaux européens ou des financements de développement territorial permettent de lancer des projets. La question de la pérennisation du fonctionnement de ces projets à l'issue des expérimentations reste souvent problématique. Le financement apporté au territoire doit notamment permettre de garantir une ingénierie efficace pour le territoire afin d'organiser les négociations et la pérennisation du projet territorial ainsi que la mobilisation citoyenne. Ces financements sur la mobilisation citoyenne et sur l'ingénierie apparaissent comme des
facteurs clés du succès des politiques territoriales.
Le financement d'actions de transferts, d'échanges auprès des organisations d'élus, auprès des réseaux d'agents de développement et auprès des citoyens apparaissent également comme des éléments facilitateurs et mobilisateurs pour la multiplication et l'innovation dans le domaine de l'offre de services à la population (organisation de séminaires, formation des élus et des agents, action de transferts, animation de réseau, etc)

PARTENARIATS
La plupart des services ne sont pas présents sur le territoire au niveau décisionnel ; certains dépendent d'organismes implantés au niveau du bassin d'emploi, du département voire de la région ou du niveau national.
Aucune politique locale de services à la population ne peut se développer sans un partenariat externe avec les administrations qui pilotent les dispositifs publics et avec les prestataires de services, publics ou privés, qui interviennent à un échelon supraterritorial. La mobilisation de ces partenariats apparaît comme une condition indispensable à la réussite des projets territoriaux. Il ne s'agit pas en effet pour le territoire de prendre la place des organismes et des dispositifs publics existants, mais bien d'optimiser leur efficacité pour permettre aux habitants d'un territoire, d'accéder à ces services. Ce partenariat n'est pas toujours facile à mobiliser au niveau des territoires car ils sont organisés de manière verticale sur des logiques d'optimisation gestionnaire qui ne prennent pas en compte la question de la proximité et de l'accès dans les territoires ruraux. La mobilisation des services de l'état et des politiques publiques pour inciter les partenaires à participer aux négociations territoriales, apparaît comme un élément clef de la réussite des projets territoriaux. En effet, un territoire seul a du mal à mobiliser des organismes supra territoriaux. L'effet « homme providentiel » de certains leaders politiques, par exemple, risque de masquer la difficulté pour la plupart des élus territoriaux à mobiliser ces partenaires institutionnels.
L'opération « plus de services » menée par la DATAR avec 23 départements test a permis une
mobilisation des partenaires grâce à l'intervention des préfectures. L'intervention d'un préfet peut donc permettre de mobiliser le pôle emploi ou ERDF par exemple sur un projet de relais de service public territorial.

Ces 5 conditions de gouvernance constituent des axes d'analyse et de progrès omplémentaires à la mise en œuvre des 8 leviers d'action que peuvent actionner les territoires pour intervenir sur la question des services à la population.

Source : Vade-mecum « Que peut faire un territoire pour améliorer l'accès aux services pour les habitants ? », ADRETS, 2012